Tous les chefs de l’Office National des Forêts, l’ONF, ont été un jour ou l’autre, confrontés à la difficile épreuve du C.A.P. Non, il ne s’agissait pas d’un diplôme ouvrant une carrière au sein de ce noble organisme, mais bien du : « Cas Alain Prado »…
Mais qui donc était Alain, disparu brutalement il y a six mois ? Qui peut prétendre définir, en quelques mots, ce personnage hors norme à qui la commune de Cap d’Ail vient de dédier un lieu exceptionnel, la « Clé de Sol », magnifique théâtre à ciel ouvert face à la mer, véritable Epidaure azuréen, créée par Alain et ses équipes, il y a quelques années ?
Une sorte de capitaine Haddock terrien sans la barbe, dont il partageait quelques particularités… notamment des indignations homériques et un cœur énorme ? Un extraterrestre descendu tout droit d’une planète lointaine, pas toujours à l’aise dans notre monde formel dont il avait du mal à intégrer les codes ? Un homme de culture citant Camus et plus encore Nietzsche dont il avait fait sienne la devise : « il faut transgresser pour progresser » entraînant ainsi sa hiérarchie et les élus locaux dans des dossiers… complexes à défendre ? Un dandy décalé, passant sans transition des Weston aux bottes de chantier qui laissaient des traces sur les marches des mairies, signant ainsi ses passages, souvent redoutés ? Un fou d’opéra, capable de faire des centaines de kilomètres dans ce qui avait été une voiture pour assister à une représentation de la Traviata ou de Aïda avec un rêve : voir un jour, PAVAROTTI ou DOMINGO se produire sur la scène de la « Clé de sol » avec les étoiles et la mer pour décors ?
Un peu tout cela, et bien d’autres choses encore. Un visionnaire d’exception plus à l’aise aux commandes d’un bulldozer que devant une table à dessins parfaitement inutile puisque les dessins il les gardait dans sa tête. D’ailleurs, une table à dessins n’a jamais renversé les montagnes. Alain PRADO et son bulldozer si !
Difficile de parler d’un ami qui vient de vous quitter, car pour moi, Alain était et restera un ami rencontré il y a 37 ans sur un chantier privé de Cap d’Ail, le chemin du Signal, où nous avions failli en venir aux mains. Un « frère » spirituel avec qui les échanges, téléphoniques ou par mails de jour comme de nuit, étaient denses, chargés de sens. Avec lui, pas de considérations sur le temps qu’il faisait ou la cherté du poireau à Rungis, mais, à toute heure du jour ou de la nuit, au gré de ses exaltations ou de son mal-être, de longues digressions philosophiques. Ou encore l’expression de cette phobie quasi-maladive des contraintes administratives qu’il rencontrait.
Alain PRADO, un homme parmi les hommes, mais un vrai. La tête dans les étoiles, les bottes dans la boue, proche du terrain, de ses équipes, amoureux de sa femme, fier de ses enfants, fidèle à ses amis. Adieu Alain !
André-François PELLEGRIN